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Perso : « Ce qui me rend fier, c’est de réaliser un projet qui me plaît »

Perso : « Ce qui me rend fier, c’est de réaliser un projet qui me plaît »

Perso est un MC, Beatmaker, originaire du Sud de la France, entre Avignon et Marseille. Certains l’ont connu et découvert avec son groupe, Le Turf. Son dernier projet est un album de 8 titres, essentiellement produit par Just Music Beats et est intitulé Chambre Noire. Et c’est l’objet principal de l’entretien qu’il a accordé à la Voix du HipHop.

Combien de temps pour la réalisation de Chambre Noire de l’écriture à l’enregistrement jusqu’au mixage final?
En fait, ça s’est étalé sur plus d’1 an mais parce que les morceaux n’ont pas tous été écrits/produits à la même période, certains ont 1 an d’autres quelques mois. Ils étaient tous destinés à se retrouver sur le même projet, mais la vie fait que je ne me consacre pas qu’à la musique. Donc, c’était quand j’avais le temps je me faisait un morceau. Concrètement, il me faut peu de temps pour écrire un track. Il faut juste que j’ai le temps de m’y consacrer pleinement. L’enregistrement s’est fait en 2 séances studios.

Entre la sortie du précédent projet, Gratte-ciel, en 2016, et début 2020, avec Chambre noire , quelle a été la vie de l’artiste et de l’homme que tu es ?
La vie de famille, le taff, 2 déménagements. Le côté artistique n’est jamais éteint. Même quand je ne crée pas, je me nourris d’expériences. Je regarde pas mal de séries et de films, je lis des bouquins et des BD, et  j’écoute beaucoup de musique, bien sûr.

Dans quel état d’esprit as-tu entrepris ce 8 titres et, au passage, t’es-tu donné une ligne directrice?
J’ai bossé le projet à peu près dans le même état d’esprit qu’à chaque fois. C’est à dire avec l’envie de faire quelque chose que j’aime et qui me ressemble. Ma seule vraie ligne directrice, c’était de faire un format plus court que d’habitude, c’est efficace je trouve. Et ma seule direction artistique c’était de faire du RAP, purement et simplement. C’est pour ça qu’il y a même des morceaux sans refrain et quelques prods « minimalistes », si on peut dire ça comme ça.

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Il n’y a pas de mal à être un peu nostalgique mais musicalement je trouve aussi mon compte dans ce qui sort actuellement.

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Des conceptions musicales de haut niveau, voire sur mesure, réalisées dans les règles de l’art par Just Music Beats, le sample est mis à l’honneur une de fois de plus, des ambiances sont relativement sombres (parfois nocturnes, d’autres fois plus spacieuses, ou encore minimalistes, même atmosphériques) avec des éclaircissements sur certaines titres. Tu es mc, mais aussi producteur. Sur le projet Chambre Noire. Comment Buddah Khriss, Oliver et toi, avez-vous travaillé les morceaux, en quoi ton oreille de producteur facilite-t-elle cette collaboration avec Just Music Beats ?
Tu sais quoi, cette année ça fait 10 ans qu’on bosse ensemble avec JMB (Just Music Beats). Et le feeling passe toujours aussi bien. Souvent les gens pensent que j’ai envie de bosser avec personne d’autres. En fait, si on vient me proposer quelque chose qui me plait ça m’intéresse, mais je ne vais pas aller chercher, je n’ai pas besoin. Je trouve toujours ce que je cherche avec JMB. Et comme tu l’as dit je suis moi aussi beatmaker donc je peux aussi le faire moi-même.
Pour revenir à ta question, sur mes projets j’aime qu’il y ait plusieurs ambiances mais arriver à garder une cohérence. Et pour le taff avec JMB, on n’a pas de formule. Des fois, ils viennent de faire une prod et ils me font écouter le truc fini. Des fois, je suis là pendant la conception et je donne mes idées, parfois c’est moi qui envoie un sample par mail avec des idées. Là j’ai produit 2 tracks, « Rimes et Raisons » et « Ligne de Mire » et j’ai co-produit « Comment » où Kriss a joué la basse, fait des arrangements et mixé tout le bordel.
Une fois que j’ai la prod, j’écris de mon côté. A ce niveau, ils n’interviennent pas du tout. Je fais ce que je veux, ils ont confiance. Et quand vient le moment d’enregistrer on se retrouve en studio pour plier le truc.

Effectivement tu possèdes différentes cordes à ton arc notamment mc, beatmaker, producteur donc à  quand un projet de Perso, entièrement produit par Perso?
En fait, j’ai déjà produit des projets entier. Les albums avec mon groupe Le TURF, je produisait tout ou presque. Mais oui, c’est un truc qui me branche depuis un moment. Il y a 2 choses qui me freinent un peu, d’une le temps, parce que « digger » et trouver des samples ça peut prendre beaucoup de temps. Et la 2ème chose, c’est qu’ entre temps, Kriss va m’envoyer des saloperies que j’aurai pas envie de laisser passer (lol). Et ça m’arrive même de trouver un sample et me dire que JMB en feront un truc mieux que moi, quand ça demande beaucoup d’arrangements je sais qu’ils maîtrisent beaucoup plus que moi.

L’expression est maîtrisée, le rap est technique et sans concession.Tu restes fidèle à toi-même,  les placements et les schémas de rimes sont remarquables, lyricalement on est entre introspection, égotrip, peinture de la société, textes qui sentent l’urgence, regard et constat du rap ainsi que le soit-disant game. C’est un festival, d’images et de punchlines, c’est un album de passionné, purement et simplement rap, riche en références, truffé de  double sens. Justement, il y a-t-il un ou plusieurs titres sur lequel ou lesquels il a fallu prendre plus de temps soit à l’écriture soit à la réalisation ?
Déjà merci pour les compliments! Mais un titre qui m’aurait pris plus de temps qu’un autre non, pas particulièrement. Pour l’écriture, c’est à peu près le même procédé à chaque fois, j’écoute la prod et j’écris ce que ça m’inspire et l’enregistrement est assez rapide comme je te disais.

« Je ne fais pas dans les débats, mais dans l’égotrip » : Comment doit-on comprendre cette phrase. Que représente l’égotrip pour toi et qu’aimes-tu le plus dans cette exercice ?
Alors, pour le coup là, il y a pas de double sens particulier. Ca veut dire ce que ça veut dire. Je prend plus de plaisir à faire un exercice de style qu’à ouvrir un débat politico/social. Puis l’egotrip, c’est perso. Le débat c’est à plusieurs. L’egotrip c’est un peu le b.a ba du rap, c’est un exercice de style comme je disais, mais ça se limite pas juste à se la raconter. C’est jouer avec les mots, les sonorités, les formules, c’est une sorte de démonstration de ton talent d’écriture. Personnellement, ça me pousse à trouver de nouvelles métaphores, m’amuser avec les différents sens de chaque mot, c’est un kiff.

C’est un disque sur lequel il n’y a pas d’invités, pas de featuring. Est-ce que c’est parce que tu ne voulais pas d’autres voix sur Chambre Noire ou est-ce dû à notamment à des histoires de temps et d’agenda, ou autre chose encore ?
C’est un peu tout ça mélangé en fait. Je fais les choses selon mon emploi du temps, mon timing, et je n’avais pas envie d’attendre après qui que ce soit. Au delà de ça, ça faisait un moment que j’avais pas sorti de projet, je savais que ça allait être un format court, donc il n’y avait pas tellement la place pour quelqu’un d’autre.

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Aujourd’hui le Rap a plus de 40 ans, ce n’est pas exclusivement une musique d’ado.

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« Conçu pour durer, c’est ma Cliqua, j’ai l’Arsenal pour t’enterrer chaque texte une épitaphe. J’ai pas d’argent mais l’âge d’or, j’y ai pris part, tes idoles je les prie pas, nique leur mode et leur dictat! » : Qu’est-ce que la musique t’apporte au quotidien ? Lorsque que l’on te reparle de l’âge d’or du rap aujourd’hui, qu’est-ce que cela t’évoque essentiellement ?
La musique c’est vitale, au quotidien c’est essentiel. J’écoute toujours une majorité de rap mais aussi d’autre choses, beaucoup de soul, du funk, du rock, etc. Et pour ce qui est de l’âge d’or, je fais référence à celui que moi j’ai connu, mais en vérité je pense que l’âge d’or pour chacun ça correspond à la tranche d’âge ou tu découvres plein de trucs et tu forges tes bases, entre 15 et 20 ans, 25 si tu pousses un peu, donc pour moi entre 1995 et 2005 environ. Ça me rappelle plein de bons souvenirs. Il n’y a pas de mal à être un peu nostalgique mais musicalement je trouve aussi mon compte dans ce qui sort actuellement. Forcément, je me retrouve moins dans le délire des mecs de 20 ans mais tout simplement parce que je n’ai plus 20 ans. Il devrait y avoir de la place pour tout. Aujourd’hui le Rap a plus de 40 ans, ce n’est pas exclusivement une musique d’ado.

Quelles sont tes ambitions lorsque tu sors un album aujourd’hui ?
Me faire plaisir avant tout, et si ça plaît à d’autres, ce qui est le cas, c’est encore mieux. En fait il n’y a quasiment aucun investissement financier donc c’est tout benef’. J’exerce une passion qui ne me coûte pas grand chose et que je peux partager facilement, c’est cool.

A l’heure actuelle, avec les nouvelles technologies et une sorte d’uniformisation du son, qu’est-ce que cela veut dire d’être un MC venant d’Avignon ?
Bah pour ma part, j’ai toujours revendiqué mon côté sudiste mais je n’ai jamais été accroché à un code postal. Par contre, c’est évident qu’à l’époque où j’ai commencé le rap c’était plus compliqué d’attirer l’attention quand tu étais ni de Paris ni de Marseille. Aujourd’hui, avec internet, ce n’est plus un problème.

« J’veux juste faire ma zik et la faire écouter, sans me vendre moi, parait que mon image, est trop négative, j’dois la développer, j’suis dans la Chambre Noire » : Quel est ton rapport à l’image et aux réseaux sociaux qui aujourd’hui, pour le meilleur et comme le pire, participent à la construction d’un artiste ou du moins au développement de sa carrière ?
Mon rapport à l’image et aux réseaux sociaux est compliqué. Mon image, ce n’est pas quelque chose que je bosse particulièrement. Je bosse plus à écrire des images. Dans la musique le plus important, c’est quand même le son, si t’as de beaux visuels pour aller avec c’est que mieux. Mais à mon goût, ce n’est pas indispensable.
Quant aux réseaux sociaux pour la communication tu ne peux pas faire sans. Et c’est super pratique, mais je m’en sert pas tellement en dehors de ça. Dans la vie je n’aime déjà pas trop les gens qui ouvrent leur gueule pour tout et rien, qui veulent donner leur avis sur tout, même sur ce qu’ils ne connaissent pas. Et les réseaux sociaux, c’est une majorité de ça, des « moi je… » et des « m’as tu vu » en mal de reconnaissance. Ça ne m’intéresse pas.

Qu’est-ce qui te rend fier avec Chambre Noire et il y a t-il des quelconques regrets par rapport au projet ?
Ce qui me rend fier, c’est de réaliser un projet qui me plaît. Et en plus d’avoir d’excellents retours sans courir après, de gens de tout âge qui aiment le Rap tout simplement, ça tue. Aucun regret ! je comptais faire 2 ou 3 clips mais là en ce moment ce n’est pas évident. Ca viendra après, ce n’est pas grave.

Il y a-t-il un mot de la fin?
Merci pour l’interview! Merci à tous ceux qui écoutent et partagent ma musique. Prenez soin de vous en cette période bizarre. Et rendez-vous au prochain projet j’espère!

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