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La Plèbe

La Plèbe

S’il y a des artistes dans la région, il y a aussi des structures de production et de labels. La Plèbe est un de ces labels. Basé à Lille, la structure (associative, dans un premier temps, société commerciale, désormais) essaie de se faire une place dans le paysage rap en France, et cela depuis 1996. Nabis, cofondateur de La Plèbe, nous explique comment.

Pouvez-vous nous présenter La Plèbe?

A l’origine, La Plèbe est un label qui tournait autour du groupe, La Fronde, mais aujourd’hui, le groupe, n’existe plus, mais le label lui est toujours là. La Plèbe, c’est Nabis, ex-La Fronde, Tacite mais aussi d’autres membres.

 

Quelle est la discographie du label?

Il y a eu d’abord Atila en 1996, pour un maxi vinyle, puis La Fronde en 98, pour 5 titres, en vinyle et CD, qui s’appelait « Lame de fond ». Il y a eu ensuite Tacite, avec un CD 2 titres, « Décrocher la lune », en 1999 et en 2000 une co-production avec LA VEGA. En 2000, nous avons aussi sorti le deuxième maxi de La Fronde « les clés du chaos ». Ensuite, il y a eu une période creuse. La Fronde s’est séparée, on a mis le label en société, il a fallu construire le studio. On a eu T-RORO, un jeune groupe (créé en 1999) qui est arrivé sur le label. On a repris la production avec T-RORO. On a réalisé avec eux, « Contre courant », un maxi vinyle. Puis on a produit un 2 titres de Tacite en 2002. Et en 2005, nous avons sorti Plébiscite un 10 titres, en CD, pour présenter le label, principalement, avec des morceaux avec Tacite et T-RORO. Cela fait 10 ans que nous sommes là.

 

Quels sont les obstacles que vous avez rencontrés en 10 ans de « carrière »?

Les obstacles concernent surtout le label. Et ce sont les obstacles de l’autoproduction, le manque de personnel ! Quand tu es artiste et que tu fais tout, tout seul, et bien, une fois sorti, tu te dis que ton travail est fini. Dans l’autoproduction, ce n’est pas le cas, tu dois enchaîner, passer à des choses qui n’ont rien à voir avec l’artistique, et ce n’est pas évident.

C’est surtout une affaire de moyens. Nous ne sommes pas rémunérés pour faire tout ce taf et nous sommes bien obligés de travailler à côté pour gagner de la thune. C’est pour cela que l’activité du label est réduite.

Nous avons rencontré des obstacles au niveau financier et humain mais aussi dans le parcours du disque. La distribution notamment.  Mais c’est encore une question de moyens, sans budget, tu as du mal à faire du bruit!

 

Comment travaillez-vous au sein du label ?

Il y a Tacite, qui est revenu depuis un moment sur Lille, qui travaille surtout les promotions du disque au niveau des radios, et magazines, gère le site Internet mais aussi la liaison avec les groupes( au niveau des répétition, des enregistrements des maquettes). Moi, Nabis, je m’occupe plus du côté financement, vu que j’ai monté ma société il y a 4 ans. Je m’efforce de trouver les moyens. Et je m’occupe du management.

Au niveau artistique, il y a 2 entités, Tacite et T-RORO (un groupe de 4 personnes). Sinon, Tacite et moi travaillons aussi ensemble. Les gars de T-RORO, nous aident plus pour la com’, au niveau des affiches, autocollants, etc. Les tâches sont aussi réparties en fonction de notre emploi du temps, nous sommes « multi-fonctions », nous essayons de nous entraider.

 

Vous arrive-t-il de faire appel à des gens de l’extérieur?

Oui, aujourd’hui encore plus qu’avant. Car à un moment, tu arrives à bout. Tu n’es pas superman. En plus, il faut prendre le temps de rester créatif, de  réfléchir, tu ne peux pas tout faire! Et justement, c’est quand tu es content du résultat, et d’avoir réussi à faire jouer ton réseau, et que tu vois que ça s’essouffle, que tu regrettes de ne pas avoir eu d’aide de personnes qui soient plus spécialisées sur la presse ou les concerts.

Voilà, nous, nous sommes dans la production mais nous sommes aussi obligés de faire du marketing. Et faire du marketing, ce n’est pas forcément le travail d’un mec qui fait du son, mais depuis le début et nous le faisons. Mais il y a des gens forcément plus forts que nous, qui ont de très bons contacts, et c’est intéressant de payer ces gens là pour te permettre d’ouvrir des portes plus facilement. La production, c’est aussi être capable de faire tourner, et forcément s’il y a un

disque qui sort et que tu n’as pas su faire tourner, et que tu n’as pas d’éditeurs, pas de tourneurs… Plus tu as de gens qui te soutiennent, plus tu as une équipe, plus les portes s’ouvrent plus facilement, et plus vite! De toute façon avec les professionnels, si ce n’est pas du « harcèlement », tu n’arriveras pas à enfoncer la porte! C’est vrai qu’une équipe, c’est ce à quoi on aspire maintenant! Il faut des gens qui vont défendre ton projet.

 

Quels sont les labels qui vous ont inspiré?

Des labels qui ont su percer, en autoproduction, sans faire partie d’une grande Machine. Des labels comme 361, par exemple, avec Akhenaton derrière même si forcément ce n’est pas le même travail que nous qui sommes parti de zéro, alors qu’eux, il y a eu IAM derrière. Il y a eu aussi Time Bomb, à l’époque qui avait mis en avant plusieurs rappeurs qui ont marqué le rap français, d’ailleurs le maxi des X-men reste une référence même chez les DJ. Il y a aussi Dine Record, qui reste spécialisé pour un certain public. Nouvelle donne m’a aussi assez impressionné.

Le rôle d’un label est aussi de lancer des groupes qui n’ont pas forcément les moyens de se mettre en avant, mais là encore, soit tu es riche, soit tu gagnes au loto! Je crois aujourd’hui que les maisons de disques sont très frileuses, et c’est là que Nouvelle donne a été fort. C’est dur pour un label de travailler dans le rap, parce que même si tu as un contrat, j’ai l’impression que cela ne signifie pas grand chose, surtout quand tu es indépendant!

 

Quelle est votre stratégie pour faire la différence?

La différence c’est comme dans tout, c’est le savoir-faire quoi. On a sorti pas mal de disques, on a une approche réfléchie du milieu, même trop, selon certains petits jeunes qui débutent. Si demain, on sort des disques, c’est pour pouvoir faire une carrière, rencontrer des gens, faire notre musique, prendre le temps d’exister!

La différence, c’est aussi l’expérience, peut être qu’on sentira plus tel groupe, on sait repérer les qualités, alors qu’un gars qui débute va signer un groupe mais ne se rendra pas compte que des groupes comme il vient de signer, il y en a 10000 par ville. Dans ce milieu, si tu n’arrives pas avec quelque chose d’original, personnel, ce n’est pas la peine… Je sais par exemple que T-Roro, ce point fort là, ils l’ont, mais maintenant il faut le travailler. C’est là dessus qu’on mise pour montrer qu’on a autre chose à apporter.

 

Quel regard portez-vous sur le marché et l’industrie disque?

Au niveau des grosses Majors qui ont un moment injecté beaucoup d’argent dans le rap, on peut tous faire le même constat, il y a eu un grand recul. Elles signent beaucoup moins de groupes, ressortent des trucs qui ont marché, il y a 5 ans et ne se rendent pas compte que c’est has been. Les majors sont perdues. Je pense que certaines grosses pointures pourraient leur montrer la voie, mais elles préfèrent faire signer leurs amis, ou alors ont peur d’être remplacées. En France, il n’y a pas de rappeur qui fasse découvrir des nouveaux talents ou des gens qui changent un peu la couleur de la donne.

Et le problème avec les indépendants, c’est qu’ils manquent de moyens financiers. Aujourd’hui, il y a trop d’indépendants, et les tourneurs eux-mêmes ont l’air de ne plus rien comprendre au public rap. Et ils font eux-mêmes des erreurs dans les programmations… Il faut oser se mouiller! Et faire appel à des personnes qui sont dans le rap depuis longtemps, qu’elles soient connues ou pas.

 

Lille, deuxième ville consommatrice de rap de France, qu’en penses-tu?

Je pense que c’est surtout par rapport à la population, qui est assez jeune sur la métropole lilloise. Il y a aussi le fait qu’ici c’est un peu plus dur que sur la côte d’azur, à cause du passif de la région…

 

Le fait de sortir des disques vous rend-il plus sérieux?

C’est plus banal aujourd’hui de sortir un cd, même un amateur peut sortir un cd, c’est une obligation sinon on ne t’écoute même pas! Maintenant tu n’es pris au sérieux que si ton cd fait du bruit.

 

Le public de la région est-il puriste?

Moi, j’ai l’impression qu’il y a des puristes dans cette région. Je n’ai pas l’impression qu’il y en ait moins que dans d’autres villes de France. Moi,  je crois qu’il y a encore largement de la place pour eux, mais le problème, c’est qu’on ne fait pas confiance aux puristes, ils font peur. Je pense qu’il y a des gens qui peuvent venir à des soirées puristes sans forcément connaître le monde du rap, et apprécier tout autant. Les concerts sont le nerf de la guerre, c’est là que tu joues, que tu rencontres un public… Il va falloir montrer qu’il n’y a pas qu’à Paris et Bruxelles qu’on peut organiser des soirées puristes et que ça peut bien se passer, sans embrouille.

 

Quelle est votre position par rapport à Internet?

On a un site, www.Laplebe.com, et aussi www.t-roro.net .On a fait appel a quelqu’un pour le site, pour la vente de disque par web avec Paypal, par exemple. On donne aussi des renseignements sur nos concerts. C’est marrant de suivre la promo de ton disque, de voir ce qui est réactif ou pas. Mais le problème, c’est que les gens sont tellement saturés d’infos par les sorties de films, d’albums,de jeux vidéos, que si tu n’as pas un site internet où ils peuvent te retrouver alors tu n’existe même pas! Internet est important qu’il permet de faire partie d’une communauté, comme dans myspace.com, qui est plaisant, tu as l’impression d’avoir plein de potes. C’est un marché à développer, mais il évolue trop vite. Le top se serait de faire un morceau, le matin, et qu’il soit disponible à la vente par téléchargement dès l’après-midi, à 40 cents. Je pourrais le faire gratis, mais là je parle en tant que label, et il faut bien que tes artistes mangent. Mais pour l’instant tout cela demande beaucoup de moyens même pour les gros labels, parce que tout le monde pourrait devenir vendeur, faire sa propre vitrine, et vendre ses sons.

 

Peux-tu nous parler du dernier opus, du label: Plébiscite?

C’est un disque qui est venu naturellement. A la base on avait 2 maxi. C’était l’extase pendant 2 mois, on passait notre vie au studio. Nous nous sommes retrouvés avec 10 morceaux, alors que l’on avait pas prévu autant. Notre but était d’avoir un cd à rebalancer dans le monde de la musique. Ca faisait longtemps qu’on n’avait pas sorti de CD. On s’est dit qu’on allait garder nos vinyles comme Collector, à part les DJs, le vinyle n’intéresse plus personne. Et aujourd’hui tout va beaucoup trop vite, on t’oublie facilement, surtout dans les magasins. Le mecs a tellement de références, s’il voit que le disque ne part pas au bout de 15 jours, et bien, il va faire de la place à  quelqu’ un d’autre. Voilà ce disque c’est pour la promo du label, ça faisait 10 ans qu’on n’avait plus fait de disques, c’est pour faire parler de nous.

 

Avez-vous une bonne visibilité dans les bacs?

C’est notre point noir sur Plébiscite, on a fait très peu de promo, on espérait être signé, on a été découragé par les échos des labels de distribution. Et le problème, c’est qu’un disque ça passe vite. On avait fait ça comme un disque promo, donc on ne voulait pas vraiment passer beaucoup de temps là-dessus, mais on en avait sorti 500 exemplaires, et on a pratiquement tout vendu.

 

Et avez-vous pensé à la Licence?

La licence pourquoi pas ? Mais après, il faut être malin. Il vaut mieux prendre conscience de ce qui s’est passé avec Arsenal, un label qui a bouleversé le rap Français. Ils avaient une Licence, et c’est une garantie. Mais ce genre de  trucs là, il faut les faire sans prendre trop de risques, il faut donc être capable d’évaluer ses capacités commerciales pour demander un budget à la hauteur. Pour l’instant on n’a pas une structure capable de développer plein de gens en même temps. La licence sera envisageable quand on sera capable de développer d’autres signatures, pour l’instant on arrive à faire vivre personne ! En tout cas, l’expérience dans la région, elle est acquise, maintenant ce qui nous manque peut-être, c’est un cran de plus, pour s’épanouir.

 

Quels sont vos projets à venir?

Nos projets ?  L’album de Tacite, qu’on bosse en ce moment, il est prévu pour cette année, il sera prêt plutôt que prévu d’ailleurs, mais tout le reste du temps va être consacré à la promo des dates…On va travailler aussi le site internet, il va changer, il y aura des clips, création d’un forum.

 

Le mot de la fin?

LP: C’est plutôt la renaissance pour nous! Ce qui me fait plaisir, c’est de revenir dans la production, ça fait longtemps qu’on veut faire notre album, la musique c’est notre univers, et ce sera notre évolution et si les gens n’accrochent pas ce n’est pas notre problème. Le mot de la fin c’est donc, l’album de Tacite en 2007.

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